Sur fond de crise énergétique, le sujet de la rénovation thermique des bâtiments fait un retour en force dans l’actualité. Alors que les élus cherchent des solutions, Pierre de Montlivault, président de la Fédération des Services Energie Environnement (Fedene), nous livre des pistes de réflexion.
Publié le 02.02.23 - Temps de lecture : 3 minutes

« MaPrimeRénov’ Copro doit être revalorisée et des solutions de financement sont à apporter aux collectivités locales »

Sur fond de crise énergétique, le sujet de la rénovation thermique des bâtiments fait un retour en force dans l’actualité. Alors que les élus cherchent des solutions, Pierre de Montlivault, président de la Fédération des Services Energie Environnement (Fedene), nous livre des pistes de réflexion.

Est-ce que l’augmentation des prix de l’énergie et l’hiver qui s’installe peuvent faire prendre conscience aux politiques et au grand public de la réelle nécessité d’accélérer les mesures en faveur d’une transition énergétique ?

Pierre de Montlivault : Oui et c’est heureux parce qu’il y a une triple urgence. Ce qui mobilise le plus les gens, c’est le pouvoir d’achat parce que c’est quand on est touché au portefeuille que l’on réagit le plus rapidement. Il y a également une prise de conscience de l’urgence climatique et, enfin, il y a un sujet de souveraineté que la guerre en Ukraine et ses conséquences géopolitiques mettent en avant. C’est la première fois que l’on parle autant de sobriété mais ce qu’il manque, c’est le passage à l’échelle. C’est à dire qu’avoir des petits exemples, c’est une première étape, mais l’important c’est maintenant de systématiser, de massifier les gestes qui permettent de faire des économies d’énergies.

Réduire la consommation d’énergie de 40 % nécessite d’intervenir sur le bâti lui-même

Quels sont les leviers à mobiliser pour réaliser ces économies d’énergie ? Et comment s’en sort la France par rapport à ses voisins ?

Pierre de Montlivault : Je dis toujours qu’il y a trois marches pour faire des économies d’énergie. On peut économiser 10 % strictement par le comportement et 20 % par la combinaison entre sobriété et efficacité. Ce sont les deux premières marches. La vraie marche à franchir, la troisième, pour tous les bâtiments français et européens c’est celle des 40 %. Et réduire la consommation d’énergie de 40 % nécessite d’intervenir sur le bâti lui-même. Là-dessus, très honnêtement, aucun pays ne peut revendiquer d’avoir été aujourd’hui extrêmement pertinent. Le sujet c’est qu’il faut investir beaucoup, à hauteur de dizaines de milliers d’euros par logement et que, même s’il y a des aides publiques et que les économies réalisées permettent de rembourser le coût des travaux à long terme, il y a toujours un problème de reste à charge significatif.


À lire aussi


Comment résoudre les problématiques de financement ?

Pierre de Montlivault : Il n’y a pas besoin de milliards d’euros supplémentaires si par ailleurs rien d’autre ne bouge. Or, la situation d’aujourd’hui est que MaPrimeRénov’ n’est pas assez attractive pour les copropriétés, parce que le niveau maximum d’aide qu’on peut toucher par logement est trop bas. En fait, si on rajoute des milliards mais qu’à chaque échelle de projet la prime n’est pas suffisamment incitative, il ne va rien se passer. C’est donc fondamental de rehausser d’abord ces paramètres de calcul de MaPrimeRénov’ pour les copropriétés.

Par ailleurs, dans le tertiaire, il est très important que les entreprises en charge des travaux de rénovation puissent apporter la solution de financement. C’est quelque chose qui est aujourd’hui interdit par le code des marchés publics et qu’il faut absolument changer. Il est nécessaire de faire bouger la loi pour que les collectivités n’aient plus à sortir autant d’argent au moment où elles vont rénover leurs bâtiments, et surtout pour qu’elles aient accès à une offre complète : financement, travaux et pilotage au quotidien de l’énergie.

Est-ce que les objectifs fixés par le gouvernement en matière de rénovation énergétique sont atteignables, et à quelles conditions ?

Pierre de Montlivault : Les objectifs sont atteignables mais ils sont très ambitieux. L’important, c’est de regarder le chemin pour y arriver, que ce soit sur les économies d’énergie ou sur la chaleur renouvelable et de récupération. Sur ces deux piliers de la décarbonation, il faut aller trois fois plus vite d’ici 2030 que ce qu’on a fait au cours de la décennie passée. Le challenge maximum c’est celui des emplois. Dans les entreprises de la Fedene, on en compte aujourd’hui 60 000. Pour réaliser les objectifs actuels, il faut doubler ces effectifs d’ici 2030 pour atteindre les 120 000 emplois. C’est un énorme challenge et ça nécessite que tout le monde s’y mette pour attirer davantage les jeunes vers ces métiers techniques qui sont méconnus. C’est d’abord à nous, professionnels, de davantage communiquer sur nos métiers, mais on a absolument besoin du relai qu’est l’État à travers le ministère de l’Éducation nationale.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

✉️ Je m’inscris à la newsletter