Dijon - Interview de M. Rebsamen
Publié le 04.04.24 - Temps de lecture : 4 minutes

« Le logement est un droit fondamental, les maires doivent le garantir à tous »

Repenser le logement comme une compétence décentralisée, comme un droit fondamental des citoyens, c’est le vœu de François Rebsamen, maire de Dijon. En 2021, il remettait un rapport de 24 propositions au chef de l’État pour relancer l’acte de construire.

À RETENIR

  • François Rebsamen, maire de Dijon, souligne l’importance du logement comme droit fondamental et appuie sur le rôle central des maires dans la construction de logements en France, favorisant une approche décentralisée encouragée par le ministre délégué au Logement, Patrice Vergriete.
  • Il exprime sa déception face au manque de prise en compte de ses préconisations du « rapport Rebsamen » visant à stimuler la construction de logements locatifs à loyer modéré par des mesures de soutien financier aux communes.
  • Rebsamen met en avant les efforts de Dijon Métropole pour augmenter l’offre de logements adaptés à tous, grâce à la création d’un établissement public foncier local en 2005, permettant de contrôler le coût de l’habitat et de promouvoir des logements à loyer modéré ou en accession abordable.
  • Il défend l’approche de la « densité heureuse » pour concilier construction de logements et limitation de l’artificialisation des sols, illustrée par des projets innovants comme la tour d’habitation à énergie positive et des politiques visant à accroître la mixité sociale dans les quartiers de Dijon.

 

Vous vous revendiquez « maire bâtisseur ». Selon vous, quel est le rôle des maires dans la construction de logements en France ?

François Rebsamen : Le logement est un droit fondamental. Je pourrais jouer sur la corde sensible et rappeler qu’on ne peut pas vivre heureux dans un pays qui n’est pas capable de loger toutes les personnes, y compris les plus modestes, mais avant tout, n’oublions pas que 70 % de nos concitoyens sont éligibles aux logements à loyer modéré et que ces plafonds ont été élevés dans un souci de mixité et d’égalité. C’est pour cette raison précise qu’il faut réhabiliter l’acte de construire. La volonté actuelle du ministre délégué au Logement, Patrice Vergriete (NDLR : interview menée avant le 8 février 2024), qui a lui-même été maire de Dunkerque, est de décentraliser le plus possible et donc de renforcer le rôle des maires dans la production de logements. Nous devons collectivement nous dire que c’est à l’échelle locale que nous trouverons les solutions à cette crise.

En octobre 2021, vous remettiez le « rapport Rebsamen ». Vos préconisations ont-elles été prises en compte depuis ?

F. R. : Les chiffres me poussent à dire non. La production de logements locatifs à loyer modéré va sans doute être l’une des plus basses jamais enregistrées. Je proposais notamment que l’État compense intégralement la suppression des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, dont bénéficient les bailleurs sociaux pendant 15 à 30 ans lorsqu’ils construisent de nouveaux logements. Je suggérais que l’État prenne ce coût à sa charge, au moins sur les cinq à dix premières années de mise en service des logements, pour inciter les maires à construire plus sur leurs communes. En quelque sorte, récompenser financièrement les communes qui jouaient le jeu de la production de logements.

À l’échelle de votre ville et de votre métropole, quels sont les politiques et projets majeurs réalisés ou en cours de réalisation ?

F. R. : Le logement est au cœur de toutes les politiques que je mène depuis plus de 22 ans. Si on veut avoir des villes à vivre pour tous, il faut des logements qui correspondent à tous nos citoyens. Dijon Métropole a une attractivité forte, donc nous devons beaucoup construire et je dois dire que nous sommes fiers de gagner des habitants. Pour construire, il faut les outils. En 2005, nous avons créé l’établissement public foncier local pour constituer des réserves foncières et contrôler le coût de l’habitat, que ce soit pour des logements à loyer modéré ou en accession abordable.

On a consommé 1,7 hectare de terres pour accueillir 5000 ménages supplémentaires

Votre rapport préconisait 24 propositions pour « simplifier l’acte de construire et accélérer les procédures d’urbanisme », n’y a-t-il pas plus de contraintes aujourd’hui avec l’impératif du ZAN ?

F. R. : Construire des logements est un impératif. Arrêter d’artificialiser les sols en est un autre. Ces deux impératifs sont essentiels et ne sont pas antagoniques. Il faut désormais reconstruire la ville sur elle-même pour atteindre ce que j’appelle une « densité heureuse ». L’expression est un peu provocatrice, mais c’est pour dire qu’on peut construire sans s’étaler. À Dijon, nous avons bâti 18 000 logements en consommant moins de trois terrains de football.

Nous avons par exemple permis la transformation d’un hôtel avec trois étages en un immeuble d’appartements avec cinq étages. On peut avoir beaucoup de réflexion mais il faut surtout être optimiste pour l’avenir.

Nous avons récemment inauguré la deuxième tour d’habitation française à énergie positive. Ce bâtiment, ce sont 59 logements pour une surface au sol de 235 mètres carrés, autant dire un grand pavillon ou un pavillon avec jardin. Ce qui ne veut pas dire qu’on arrête complètement le pavillonnaire, mais on répond autant que possible à cet impératif écologique. Le fonds « friches » est une très belle initiative, par exemple. Elle doit nous conduire à regarder différemment nos friches industrielles, hospitalières, militaires…


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Comment créer plus de mixité à l’échelle des quartiers ?

F. R. : À Dijon, nous avions des quartiers avec seulement 3 % de logements sociaux et d’autres avec plus de 70 %, et très peu d’accession à la propriété. C’est pourquoi nous avons intégré cette dimension à notre nouveau PLUi-HD, à l’échelle de Dijon Métropole, pour inscrire pleinement l’objectif de mixité et créer des outils de réajustement. Concrètement, les nouvelles constructions dans les quartiers à faible pourcentage de logements sociaux doivent en programmer a minima 50 %, quand les nouvelles constructions dans les quartiers qui en concentraient énormément devront limiter leur part à 10 %, au profit de 90 % d’accession à la propriété. C’est une politique de long terme, mais qui porte ses fruits, car ce sont des transitions acceptables et pérennes.

Quelle initiative réussie pour le logement à Dijon aimeriez-vous voir dupliquée dans d’autres villes de France ?

F. R. : Nous avons attaqué le sujet des copropriétés privées pour éviter qu’elles ne deviennent des passoires thermiques qui contribuent, à leur échelle, au réchauffement climatique. Depuis 2019, nous avons mis en place le « coach copro » pour accompagner les propriétaires dans leur projet de rénovation, en évaluant le coût des travaux, qui est souvent le frein. Comment dire à des personnes de 70 ans qu’elles doivent investir 50 000 euros dans des travaux de rénovation énergétique ? Ce que nous proposons, ce sont des subventions : jusqu’à 50 % pour la réalisation d’un audit énergétique collectif, jusqu’à 80 % pour une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage technique et financière, et jusqu’à 25 % pour les travaux. Surtout, nous estimons le temps nécessaire pour que les propriétaires puissent amortir leur emprunt, à partir des diminutions de charges liées à l’énergie. À Dijon, 54 000 logements ont été construits avant les premières réglementations thermiques. Si on ne fait rien, la prochaine bombe à retardement dont il faut se préoccuper, elle est là.

 


Article original publié dans Envies de ville magazine n°8, publié en décembre 2023.
Portrait de François Rebsamen : ©Philippe MAUPETIT

En couverture : ©Mairie de Dijon

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