Prise en charge du logement des salariés par les entreprises et les collectivités, une solution face à la crise du logement ? Crédit : Drazen Zigic sur Freepik
Publié le 14.03.24 - Temps de lecture : 4 minutes

Quand les entreprises ou les collectivités prennent en charge le logement des salariés

À RETENIR

  • La prise en charge du logement des salariés par les entreprises et les collectivités est une réponse à la crise du logement dans les grandes agglomérations, où le marché du travail est fortement impacté.
  • Les différentes formes de prise en charge comprennent la mise à disposition de logements, la participation financière au loyer, la garantie locative, l’accès à des logements sociaux et les partenariats avec les acteurs territoriaux pour développer des programmes de logements abordables.
  • Ces initiatives visent à fidéliser les salariés, améliorer leur bien-être et leur performance au sein de l’entreprise, mais la crise actuelle du logement accentue les difficultés, notamment pour les classes moyennes.
  • Les collectivités mettent en place des solutions telles que les résidences relais mobiles, l’acquisition de logements pour les transformer en studios, ou la construction de nouvelles infrastructures, afin de répondre aux besoins de logement des salariés et maintenir l’attractivité des territoires.

La prise en charge du logement des salariés par les collectivités ou les entreprises répond à la difficulté de se loger dans les grandes agglomérations. Dans un contexte de crise du logement qui renforce les tensions sur le marché du travail, élus et employeurs multiplient les pistes pour loger leurs administrés et leurs salariés, avec une volonté forte de les accompagner pour desserrer ce qui constitue un frein de plus en plus fort à l’emploi. Une démarche sociale et stratégique qui permet de fidéliser les collaborateurs mais aussi d’améliorer leur bien-être et leur performance au sein de l’entreprise.

Contrairement aux frais d’hôtels liés aux déplacements professionnels, la prise en charge du logement personnel du salarié est tout à fait possible et peut se décliner de différentes façons :

  • Mise à disposition d’un logement : l’entreprise, qu’elle soit propriétaire ou locataire, peut mettre un logement gratuitement à la disposition d’un salarié.
  • Prise en charge du loyer : l’entreprise peut participer financièrement au paiement du loyer, en tout ou en partie.
  • Garantie locative : l’entreprise se porte garante du salarié, facilitant ainsi son accès à la location.
  • Proposition de logements sociaux : certaines entreprises publiques ou parapubliques (SNCF, APHP) disposent de logements sociaux réservés à leurs collaborateurs.
  • Partenariats avec les acteurs territoriaux : Les entreprises peuvent collaborer avec les collectivités locales pour développer des programmes de logements sociaux. Cela peut inclure la construction de nouveaux logements abordables ou la rénovation de logements existants.

Les avantages sont nombreux, comme la fidélisation des salariés, l’entreprise renforçant le lien avec ses collaborateurs en prenant en charge leur logement, tout en les incitant à rester au sein de l’organisation, le bien-être des salariés, un logement adapté et proche de leur lieu de travail favorisant leur épanouissement personnel et professionnel, ou encore une performance accrue puisque des salariés logés dans de bonnes conditions  et le plus souvent à proximité de leur lieu de travail sont logiquement plus productifs et engagés.

Le logement des salariés n’est pas un sujet récent mais la crise du logement actuelle le rend encore plus prégnant.

Ce problème de logement qui nuit à l’embauche n’est pas nouveau puisque dès les années 50, l’État et les partenaires sociaux ont créé le 1 % logement pour y remédier. Rebaptisé Action Logement, l’organisme continue aujourd’hui de financer le logement des salariés à revenus modestes grâce à la collecte d’une cotisation, la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) étant fixée à 0,45 % de la masse salariale des entreprises.

La hausse brutale des taux d’intérêt, la chute des mises en chantier, l’allongement considérable des listes d’attente pour obtenir un logement social, les transformations massives d’appartements en meublés touristiques nourries par le succès d’Airbnb, n’ont fait qu’accentuer les difficultés d’accès de beaucoup de salariés. Une étude réalisée en avril 2023 par la société de conseil Algoé estime que, sans la PEEC, les actifs composant la classe moyenne gagnant entre 1 900 et 2 800 euros net « ne pourraient plus se loger en zones tendues », où les prix et les loyers sont élevés, ni « faire tourner l’économie, là où se situe la majorité des emplois ».

En 2023, les loyers se sont envolés et les salaires n’ont pas augmenté aussi vite que l’inflation, à tel point que le coût du logement pour les classes moyennes se trouve aujourd’hui décorrélé de leurs revenus et de leurs capacités d’emprunt. « La crise actuelle, multifactorielle, n’a pas de précédent : on retourne vers le plein-emploi et en même temps, depuis 2017, ce sont plus de 10 milliards d’euros de financements de la politique du logement qui ont disparu, notamment en direction du logement social », s’indigne Bruno Arcadipane, président d’Action Logement et vice-président du Medef.


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Face à l’insuffisance de l’offre locative sur leur territoire, les collectivités se mobilisent.

La communauté de communes de Loudéac, dans les Côtes-d’Armor, a décidé d’investir dans des « résidences relais mobiles » qu’elle louera à des entreprises. La première a été mise en service début 2024. La collectivité locale vient de lancer un marché public pour en commander quatre autres et prévoit d’en avoir dix dans les deux ans à venir. « Le marché immobilier est très tendu », explique Xavier Hamon, président de Loudéac communauté, et la difficulté est d’autant plus importante pour une personne « qui arrive sur le territoire ». La ville de Cluses, en Haute-Savoie, a racheté 16 chambres dans un ancien hôtel pour les transformer en studios avant de les louer à des entreprises. « On essaie de donner un coup de main aux entreprises au prix le moins cher possible », explique Jean-Philippe Mas, maire de Cluses. Somfy, le plus gros employeur local, spécialiste de l’automatisation des ouvertures et des fermetures des bâtiments, a pris la moitié de ces logements loués à l’année. Une opération portée par la société d’économie mixte de la ville et cofinancée par le département qui s’élève à un peu plus d’un million d’euros (les loyers permettant de rembourser les emprunts).

À Mayenne, la sous-préfecture du département éponyme, la communauté de communes vient d’inaugurer une « maison des alternants » de 12 studios tout équipés proches du centre-ville. « Ils ont souvent de petits budgets. Là, toutes charges comprises, nous sommes sur des loyers de 250 à 350 euros par mois », indique Jean-Pierre Le Scornet, son président, précisant que le projet a été « coconstruit » avec les entreprises. Entre l’acquisition du bâtiment et son aménagement, il a coûté environ un million d’euros, aidé à hauteur de 300.000 euros par l’État.

Plusieurs leviers possibles pour réduire les tensions-logement

Les collectivités doivent composer avec plusieurs difficultés, comme le fait de ne pouvoir construire dans certaines zones au nom d’une logique industrielle qui planifie l’aménagement du territoire en fonction des besoins et des contraintes liées à l’industrie, de devoir assurer la gestion du bien au même titre que des bailleurs sociaux ou encore de traiter l’articulation juridique entre le contrat de travail et le bail, la gestion des litiges et les modalités d’attribution du bien. >Les prêts subventionnés, les cautions « employeurs » ou les résidences hôtelières à vocation sociale, utiles pour loger les travailleurs saisonniers, sont autant de leviers possibles pour réduire ces tensions-logement. Selon une étude publiée en octobre 2023 par la plateforme de recrutement Hellowork, la crise du logement pourrait diminuer de moitié la mobilité interrégionale des salariés.

En 2019, 1,9 million d’actifs exercent un emploi « essentiel du quotidien » en Île-de-France (figure 1), dont 1,7 million de salariés. Pour beaucoup d’entre eux qui ne peuvent télétravailler, la proximité des lieux de travail et de résidence est particulièrement importante. C’est pourquoi la loi « différenciation, déconcentration, décentralisation et simplification », dite loi 3DS, du 21 février 2022, fixe entre autres « un objectif d’attributions de logements sociaux aux demandeurs exerçant une activité professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail dans un secteur essentiel pour la continuité de la vie de la Nation ». (Source Insee)

La prise en charge du logement des salariés est un levier essentiel pour améliorer leur quotidien et renforcer leur engagement au sein de l’entreprise. Face aux tensions sur le marché locatif, l’investissement des collectivités dans des logements à destination des salariés des entreprises se développe. Des initiatives encore isolées mais qui se multiplient, parce l’attractivité des territoires passent notamment par leur capacité à pouvoir proposer à la fois emploi et logement et donc à répondre à la fois aux attentes des entreprises et de leurs salariés.

Crédit : Drazen Zigic sur Freepik

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