Avec le financement participatif, les collectivités locales ont trouvé une solution alternative innovante et complémentaire pour pallier la baisse des dotations de l’État et des droits de mutation à titre onéreux
Publié le 16.01.24 - Temps de lecture : 4 minutes

Le financement participatif : une solution pour les projets de développement des collectivités ?

Avec le financement participatif, les collectivités locales ont trouvé une solution alternative innovante et complémentaire pour pallier la baisse des dotations de l’État et des droits de mutation à titre onéreux, et pour compenser la perte des recettes traditionnelles.

Confrontées depuis quelques années à des réformes territoriales contraignant fortement leurs budgets, les collectivités ont remplacé les habituelles recettes fiscales directes, comme la taxe foncière sur les propriétés bâties ou la cotisation foncière sur la valeur ajoutée, par de la fiscalité nationale transférée soumise à inflation (TVA).

Le crowdfundingfinancement par la foule ») jusqu’à présent sous-utilisé, est désormais vu comme un véritable outil de développement économique et territorial permettant d’obtenir dans le même temps la mobilisation des citoyens qui souhaitent soutenir un projet local d’intérêt général.

Le crowdfunding en constante progression depuis 2020

La baisse des subventions publiques est régulièrement mise en corrélation avec le développement du financement participatif. Pour autant, le crowdfunding n’a pas vocation à se substituer à l’intervention publique dans le financement de projets. En France, cette dernière reste indispensable pour la réalisation de projets portés par les acteurs du territoire. Le crowdfunding présente avant tout l’intérêt de diversifier les sources de financement, il s’agit une ressource complémentaire.

Si le financement participatif a connu un développement important à partir de 2020 (+ 62%), notamment dans le cadre de la relance post confinements, avec un peu plus d’un milliard d’euros de fonds collectés, les collectivités n’y sont alors encore que peu représentées. Avec 2.355 millions d’euros collectés sur les plateformes en 2022, le crowdfunding a progressé de 25% par rapport à 2021 d’après le Baromètre du crowdfunding en France réalisé par Mazars. Alors que les projets personnels et les dons constituaient l’essentiel des contributions il y a quelques années, le capital et le prêt (notamment aux PME) constituent dorénavant les principales sources de progression. L’engouement pour ce mode de financement, nourri par la puissance des réseaux sociaux, a conduit le législateur à apporter de nouvelles réglementations sur le sujet ces dernières années.

Un outil désormais adapté aux besoins des collectivités

Le financement participatif répond bien aux enjeux essentiels des acteurs locaux. Il apporte des financements complémentaires dans la réalisation de projets, il encourage et valorise l’engagement des citoyens et permet aux institutions de communiquer autrement dans un contexte économique difficile. La finance participative offre une palette d’outils divers – don, prêt, investissement en fonds propres – dont peuvent désormais se saisir les collectivités afin d’orienter l’épargne locale vers le développement territorial.

Depuis fin 2015, les collectivités territoriales peuvent organiser des collectes de fonds via des plateformes numériques spécialisées tout en valorisant les services proposés aux habitants. Des intermédiaires vont s’occuper de leur gestion pendant la durée de l’opération et restituer, à terme, les fonds aux porteurs de projet. Elles peuvent désormais financer leurs propres projets en y associant les particuliers dans différents domaines : la solidarité, le social, le patrimoine, la culture ou encore, l’éducation.


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Un cadre juridique sécurisé et renforcé

Créé en France par les dispositions de l’ordonnance du 30 mai 2014 et du décret du 16 septembre 2014 relatifs au financement participatif, puis ouvert aux collectivités locales par le décret du 14 décembre 2015, le crowdfunding est soumis à certaines obligations en matière de transparence et d’information concernant notamment la collecte, la conservation et la gestion des fonds.

La loi du 8 octobre 2021 a également ouvert la possibilité pour les personnes morales d’accorder des prêts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics et depuis le 1er janvier 2022, la possibilité de confier l’encaissement du revenu tiré d’un projet de financement participatif à un organisme public ou privé sous forme de titres de créances ou obligations au profit de tout service public, à l’exception des missions de police et de maintien de l’ordre public.

L’arrêté du 23 janvier 2023 définit les critères d’éligibilité des collectivités territoriales ainsi que les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue par la loi du 8 octobre 2021 : les collectivités et leurs établissements publics ont la possibilité de déposer leur candidature (de façon dématérialisée via la plate-forme « Démarches simplifiées ») au plus tard le 31 mars 2024, auprès du représentant de l’État dans le département. Il prévoit aussi qu’elles doivent s’engager, après instruction et acceptation de leur dossier, à clôturer la période de levée de fonds au plus tard le 31 décembre 2024 (par le biais de la plate-forme de financement participatif).

Plus d’infos sur les modalités de financement participatif pour les collectivités ICI

Trois outils de financement et une diversité de projets financés

Les collectivités ont accès à trois outils de financement participatif, le don, le prêt et l’obligataire, eux-mêmes composés de sous-catégories.

En matière de projets culturels, c’est le petit patrimoine vernaculaire qui est le plus concerné par ces campagnes. Il peut s’agir d’éléments immobiliers, bâtis, architecturaux, traditionnels, paysagers, historiques qui participent à la richesse et à l’identité culturelle urbaine ou rurale. Exemple d’une grande réussite, la campagne menée fin 2023 par la commune des Moussières dans Parc Naturel Régional du Haut Jura, qui a permis de récolter 330% de l’objectif de départ pour aménager la petite station en vue d’un accueil touristique toutes saisons.

Plus structurant dans le développement des territoires, certaines plateformes de financement participatif sont aujourd’hui dédiées aux projets d’énergies renouvelables comme le plan de développement du réseau montpelliérain de chaleur et de froid ou la démarche de transition écologique de la communauté de communes de Cœur du Pays-Haut. La règlementation de 2014 a permis l’essor de ce secteur, qui, limité auparavant par les montants collectés et le nombre de financeurs, arrivait difficilement à boucler le financement de projets d’envergure par nature.

De grands projets d’épargne régionalisée grâce au financement participatif ?

Des millions de Français consentent d’ores et déjà à des projets d’épargne en circuit court lorsqu’ils sont clients de banques régionales mutualistes, d’autres le font volontairement avec la volonté d’avoir de l’impact localement en soutenant l’emploi local par exemple. Une tendance qui pourrait s’accélérer ces prochaines années avec une envie croissante des citoyens de consommer plus localement et de s’impliquer davantage dans le développement de leur territoire.

Si les TPE et PME acceptent volontiers de préserver un actionnariat composé d’investisseurs locaux (via les ‘family office’ ou les plateformes de financement), les différents échelons de collectivités territoriales commencent tout juste à adopter ces pratiques pour le financement de leurs projets et pour répondre à la contrainte de devoir faire mieux avec toujours moins de ressources. Dans un contexte de difficultés structurelles des collectivités pour trouver des financements, et de dépendances au secteur bancaire et aux marchés financiers, le financement participatif peut être une ressource alternative.

Pour maximiser la visibilité des territoires, certaines plateformes n’hésitent pas à proposer des pages spécifiquement dédiées aux collectivités ou structures de l’accompagnement. Il existe également des portails territoriaux qui permettent à une collectivité de créer des pages dédiées au recensement exhaustif et à la promotion des collectes de crowdfunding de son territoire. Le Conseil départemental de Corrèze utilise par exemple cet outil depuis 2015, imité par le Conseil départemental de l’Ardèche en 2016.

Une démarche de démocratie participative

Au-delà d’une diversification des financements, le crowdfunding permet de remettre le citoyen au cœur du débat politique et est, en ce sens, un véritable outil de démocratisation pour donner un sens et une réalité à la gestion participative directe des citoyens sur des projets bien identifiés.

La force du crowdfunding réside aussi dans sa capacité à valoriser la participation et l’engagement de chacun : il donne la possibilité aux souscripteurs de suivre de près une action financée, sa mise en œuvre et donne toute sa puissance à l’acte de financer. Impliqués plus en amont dans la réalisation des projets, les citoyens utilisateurs des services publics se retrouvent en position de financeur, ce qui modifie leur perspective, permet une meilleure appropriation et suscite une utilisation plus régulière.

Ces campagnes de financement participatif menées par les collectivités apportent ainsi des réponses aux enjeux de demain : comment accélérer la démocratie participative et le financement de projets par les citoyens ? Comment créer des zones de contact entre les urnes et les nouveaux territoires d’expression en ligne ? Comment, plus globalement, mobiliser toutes les ressources à disposition pour développer les territoires ?

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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