À Munich, jardins et aires de jeux ne font plus qu’un
L’architecte et urbaniste allemand Rainer Schmidt a créé en 2005 un jardin qui représente à grande échelle le fonctionnement microscopique des plantes qu’il abrite. Le jardin fait également office d’aire de jeux, de poumon urbain, et de lieu de socialisation pour les résidents du quartier.
Dans le contexte de la préparation des Jeux de Paris, de nouvelles discussions émergent au sujet de l’espace public et de son aménagement. La question des aires de jeux a ainsi pris de l’ampleur : elle rassemble en effet sous un même chapitre plusieurs des sujets urbanistiques du moment. La place des enfants dans la ville, l’impact de la vie urbaine sur notre santé, l’importance du jeu, du sport et de la nature en ville.
L’aire de jeu est de fait un formidable laboratoire urbain ; aménagement particulièrement libéré des contraintes de formes, il permet de repenser notre rapport à la nature, au paysage, à l’usage, tout en ménageant aux enfants une place de prédilection au cœur de la ville. C’est dans cette perspective que Rainer Schmidt crée en 2005 une aire de jeu pas comme les autres : le BUGA 05 Playground de Munich.
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L’aire de jeux comme représentation de la nature
En 2005, et pour participer à la Federal Garden Exhibition de Munich, plus connue sous le nom de BUGA, Rainer Schmidt soumet un projet de parc unique en son genre. Exclusivement inspiré de la structure microscopique des éléments naturels, ce parc propose de la transposer pour la mettre en scène à l’échelle macroscopique. S’étalent alors sous les pas des visiteurs, les imitations géantes de la structure organique des fleurs et des plantes qui bordent le chemin.
(©Rainer Schmidt Landschaftsarchitekten )
L’organisation spatiale des parterres de fleurs imitent la structure à une échelle microscopique du souci d’eau, une petite fleur jaune et vivace qui pousse dans les marais. Entre les fleurs, les chemins en terre battue emmènent les visiteurs quelques mètres plus loin, vers un paysage simple, bicolore, fait de monts et de creux, pensé pour stimuler l’imagination et la créativité des promeneurs, et surtout des plus jeunes.
L’objectif est double : pédagogique d’une part, et expérientielle d’autre part. Rainer Schmidt propose de réinventer avec humour les codes des expositions d’horticulture, par un habile procédé de mise en abîme qui familiarise les visiteurs avec le fonctionnement organique des végétaux. Avec minimalisme et une douceur enfantine, le nouveau jardin fait l’unanimité auprès des promeneurs qui en parlent comme du « teletubbies garden », du nom du célèbre dessin animé. L’architecte témoigne : « Le sol est très doux, tous les visiteurs enlèvent leurs chaussures, marchent et explorent pieds nus sur ce tapis. » Avec simplicité, Schmidt parvient à mettre les passants au contact des éléments : l’herbe, les fleurs, la terre et l’eau, et leur permet de tisser un lien intime avec la nature.
L’aire de jeux comme respiration urbaine
(©Rainer Schmidt Landschaftsarchitekten )
Le succès de ce design est également dû à l’écho grandissant que rencontrent les œuvres et les aménagements à portée écologique, estime Rainer Schmidt. Il précise : « Notre conscience écologique est beaucoup plus forte qu’avant. Tout le monde veut vivre dans une ville saine : cela signifie beaucoup de verdure, beaucoup d’air frais et beaucoup de biodiversité. Un environnement vert et vivant. »
Et les Allemands ont de l’avance sur ce sujet… La plupart de leurs quartiers résidentiels sont végétalisés et apaisés, de manière à attirer les familles, tandis que les toits fleurissent et se connectent entre eux pour agrandir l’espace public et offrir de nouvelles possibilités à la collectivité, à l’image de ceux du quartier Wierksviertel.
La durabilité du BUGA 05 Playground, enfin, va de pair avec sa simplicité, qui le rend d’une part peu sensible aux vices du temps, et d’autre part parfaitement malléable, adaptable aux usages en évolution.
L’aire de jeux comme terrain de liberté et de rencontre
La philosophe française Joëlle Zask définit « l’usage » comme une forme de liberté. Selon elle, il y a “usage” quand l’objet ne dicte pas son fonctionnement à l’usager, qui ne l’asservit pas non plus en l’exploitant comme il l’entend. Cette interaction toute particulière, qui définit l’usage par l’établissement de règles communes, malléables et adaptables, constitue un acte fort de liberté et de créativité. L’objet est inépuisable, puisqu’on peut en faire varier les usages à l’infini. C’est dans cette marge des possibles qu’est le jeu, et c’est en cela que les espaces comme BUGA 05, qui laissent aux enfants la liberté de leur créativité, sont de puissants outils pour repenser notre rapport à l’usage, notion centrale pour les enjeux urbains de demain.