Vue des berges de Seine à Paris, la Tour Eiffel au loin.
Publié le 26.04.23 - Temps de lecture : 3 minutes

Pourra-t-on compter sur la Seine face au réchauffement climatique ?

Sous l’effet du réchauffement climatique, le débit de la Seine devrait être de plus en plus faible au cours des prochaines décennies. Des solutions durables permettraient néanmoins que le fleuve continue à remplir ses fonctions essentielles pour la population francilienne.

Que serait Paris sans la Seine ? Qu’adviendrait-il si l’eau cessait de couler au bas de ses ponts ? Qu’on le veuille ou non, ces questions sont devenues d’actualité, tant les épisodes de sécheresse qu’a connus le pays récemment ont rebattu les cartes. On peut s’en étonner. Après tout, le scénario le plus souvent évoqué jusqu’à présent était que sous l’effet d’une pluviométrie exceptionnelle, le fleuve déborde et que Paris soit recouverte par les eaux. Cette menace n’a pas disparu. La préfecture de Police, la municipalité, l’État s’y préparent, la perspective d’une crue centennale comme celle de 1910 étant jugée inéluctable. Mais à cette menace s’en ajoute désormais une autre : que la diminution des débits sous l’effet de la sécheresse crée des tensions sur la ressource, avec à la clé des conséquences économiques, sociales et environnementales considérables. Les deux scénarios peuvent sembler antinomiques. Et pourtant, ils décrivent une même réalité : celle du réchauffement climatique, dont les effets peuvent affecter le fleuve de différentes façons.

Des débits de plus en plus faibles

Des interrogations subsistent concernant la pluviométrie et ses conséquences. Comme l’écrit Sarah Feuillette, directrice de la planification, de l’évaluation et de la prospective à l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, dans un rapport de l’ONERC (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique), « l’incertitude sur l’évolution des précipitations demeure forte ». Les effets de la sécheresse font en revanche peu de doutes : « l’accroissement de l’évapotranspiration étant au contraire relativement certain, il reste très probable, quels que soient les modèles, que les débits diminuent pendant une partie de l’année ».

Une diminution des débits d’étiage atteignant 40 %, voire 60 % localement, pourrait donc, pour la Seine comme de nombreux autres cours d’eau, devenir la norme à la fin de ce siècle. Ce qui entraînerait de nombreuses difficultés car la Seine, par son débit, est le plus petit des fleuves français. Et la plus grosse agglomération du pays en dépend pour son approvisionnement en eau potable (environ 70 % de la consommation provient des prélèvements effectués dans les grandes rivières d’Île-de-France). La Seine permet également le refroidissement d’une centrale nucléaire (à Nogent-sur-Seine), d’une centrale thermique (à Porcheville), ainsi que de nombreuses installations industrielles. Elle alimente les canaux et permet la navigation. Elle est aussi une ressource indispensable pour les activités touristiques et l’agriculture. La diminution du débit aurait par ailleurs une autre conséquence, non moins grave : une plus forte concentration des polluants, qui ne seraient plus dilués comme ils le sont actuellement dans d’importantes quantités d’eau. Ce qui entraînerait des répercussions sanitaires et sur la biodiversité.


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Des lacs-réservoirs pour réguler les cours d’eau… mais jusqu’à quand ?

Une des chances de l’Île-de-France face à ce problème qui touche de nombreux pays européens réside dans ses quatre lacs-réservoirs. Actuellement gérés par l’établissement public Seine Grands Lacs, ces lacs artificiels creusés à la suite de la grande crue de 1910 répondent à deux objectifs : limiter les débits de la Seine et de la Marne durant les périodes de pluie, et les soutenir durant les périodes de sécheresse pour que l’eau soit toujours disponible en quantités suffisantes. Sans cette ressource, deux à trois fois moins d’eau coulerait dans la Seine durant l’été. Ces lacs-réservoirs ne constituent cependant pas une réponse durable aux problèmes de sécheresse car ils sont eux aussi, du fait du réchauffement climatique, soumis à l’intensification du phénomène d’évaporation qui touche les cours d’eau.

Une stratégie d’adaptation pour atténuer les effets du réchauffement

D’autres pistes devront donc à l’avenir être explorées. Certaines ont déjà été exposées dans la stratégie d’adaptation du comité de bassin Seine-Normandie, élaborée à la suite de l’Accord de Paris en 2015. « D’une manière générale, indique Sarah Feuillette, le comité d’experts a invité les acteurs du bassin à mettre en œuvre avant toute chose les solutions qui exploitent les fonctionnalités naturelles pour améliorer la résilience ». Cela passe notamment par des choix d’aménagement visant à limiter l’imperméabilisation, afin que les sols, à la manière d’une éponge, absorbent l’eau et la restituent aux plantes, particulièrement précieuses pour lutter contre les îlots de chaleur urbain. L’autre intérêt de faciliter ainsi l’infiltration est de recharger les nappes phréatiques, pour soutenir les débits quand ils sont faibles et alimenter les zones humides.

La résilience passe également par une évolution des comportements, de façon à mieux consommer et mieux partager la ressource. L’avantage de cette approche, conclut Sarah Feuillette, est de permettre « à la fois d’atténuer les effets du changement climatique, de tenir compte de l’enjeu biodiversité, crucial, et de limiter l’usage des solutions technologiques, nécessairement consommatrices de matière, d’eau, d’énergie et émettrices de gaz à effet de serre, que ce soit pour leur conception ou leur mise en œuvre ».

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