Projet de logements des maires : vue d'immeubles en construction au bord d'un fleuve.
Publié le 30.03.23 - Temps de lecture : 5 minutes

Logement : quel bilan à la mi-temps municipale ?

En ce mois de mars, la mandature municipale débutée lors de la crise sanitaire entre dans sa quatrième année. L’occasion de dresser un bilan d’étape des initiatives prises dans le domaine du logement avec, d’emblée, un constat : si en volume, le compte n’y est pas, des tendances fortes apparaissent néanmoins quant au contenu et à la qualité des projets qui sortent de terre.

Répondre à la pénurie de logements tout en limitant la consommation d’espaces naturels, préparer la ville aux effets du changement climatique tout en veillant à ce que les prix demeurent abordables, penser l’avenir de leur territoire à long terme tout en parant aux urgences du moment : une crise sanitaire sans précédent d’abord et, à présent, une inflation record ; la liste des défis lancés aux maires élus en 2020 ainsi qu’à leurs équipes a certes de quoi en refroidir plus d’un. Pour autant, des solutions et des tendances émergent avec, par-delà la diversité des territoires et des enjeux, une ambition commune d’apporter à ces questions des réponses à même de durer.

Un volume de production désormais unanimement reconnu comme (très) insuffisant

C’est, en France, la première porte d’entrée du débat sur le logement : quel rythme de production adopter dans un pays qui, selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, compte 4 millions de mal-logés et 14,6 millions de personnes en situation de fragilité ? Si, en la matière, le nombre de logements livrés a mécaniquement subi les effets des premières phases de la crise sanitaire et des arrêts de chantier, le retard accumulé au cours des premiers mois de la mandature municipale n’a souvent pas été rattrapé, bien au contraire. Au terme d’une bataille de chiffres, les lignes semblent en passe de bouger. Formules et équations à l’appui, l’Institut Thomas More estimait au début du mois à 395 000 de nombre de logements neufs à produire chaque année. Une analyse qui semble avoir été, partiellement au moins, reprise par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. En ouverture du MIPIM, l’ancien Maire d’Angers a ainsi placé la cible de production annuelle à 370 000 logements, un chiffre certes inférieur aux estimations des acteurs de la filière mais très supérieur à ceux jusque-là avancés par les services de l’Etat. Le problème ? Une production en berne et des chiffres de vente bien loin de s’approcher de cette cible, à tel point que, selon le scenario retenu par l’Institut Thomas More, ce sont 850 000 logements qui manqueraient en France en 2030 avec de surcroît des disparités territoriales marquées et des régions, notamment l’Ouest et l’Occitanie, en très forte tension.


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Réinventer l’habitat

En août 2020, entre deux épisodes de confinement, l’architecte et urbaniste François Leclercq appelait à une réinvention de l’habitat, pointant du doigt tant la tendance à l’exiguïté des logements produits que les manques des espaces extérieurs, qu’ils soient communs ou publics, dans leur participation au confort d’habiter. Nouveau rapport au logement, attentes plus marquées en direction du cadre de vie, nouvelles opportunités ouvertes à certains territoires par le développement du télétravail, que la crise sanitaire ait marqué une bascule ou au contraire révélé des tendances déjà à l’œuvre dans la société, elle a constitué un temps de cristallisation des aspirations des Français quant au logement et au cadre de vie, en appelant à plus de qualité. Les maires élus en 2020 ont quant à eux bien saisi ce mouvement, tirant parti de la révision de leurs règles d’urbanisme pour se montrer plus exigeants quant aux caractéristiques des logements produits sur leur commune. Avec sa Charte de la Ville durable, la mairie de Marseille a ainsi souhaité poser le principe d’un « Droit au ciel » pour tous ses habitants, par l’activation systématique des toits-terrasses, que ce soit par la végétalisation ou l’installation de panneaux photovoltaïques ou plus simplement par leur ouverture aux résidents. A Angers, la mairie impose désormais que les nouveaux logements bénéficient, pour au moins la moitié d’entre eux, d’un espace extérieur, jardin, balcon, terrasse ou loggia privative. En région parisienne, la mairie de Saint-Ouen a également mis l’accent sur le confort d’habiter, imposant notamment des espaces extérieurs pour tous les logements et mettant l’accent sur le confort d’été, la lumière naturelle, le rafraîchissement et la végétalisation des cœurs d’îlots.

Réinventer le confort d’habiter, c’était précisément l’ambition de l’architecte Roland Castro, récemment disparu, au moment d’imaginer pour Nexity la Tour Emblematik qui s’élève aujourd’hui dans le ciel d’Aubervilliers. Pensée comme un véritable village vertical, sa philosophie repose, tous les quatre niveaux, sur un jardin suspendu commun à tous les résidents, c’est-à-dire un espace partagé, de détente et de rencontre qui vient prolonger le confort du logement lui-même. À Blanquefort, en Gironde, c’est une ambition similaire qui a guidé la réalisation de Prélude, un quartier conçu pour le bien-vivre-ensemble avec pour recette, outre un recours à l’architecture encadrée, une co-construction avec les habitants des espaces communs et publics pour une cohabitation réussie et un cadre de vie qualitatif.

La Tour Emblematik à Aubervilliers

Le rôle moteur de la transition écologique

C’est l’un sinon le grand enjeu de l’actuelle mandature municipale, réussir la transition écologique pour permettre la réduction de nos émissions carbone et atténuer les effets du changement climatique. Entre autres chantiers, il implique pour les maires d’inventer avec les acteurs de la filière une nouvelle manière de fabriquer la ville. Si la question de la méthode pour tendre vers l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) demeure ouverte devant le Parlement, la cause semble désormais entendue, c’est en priorité sur la ville d’aujourd’hui qu’il faut faire celle de demain. À cet égard, les anciens sites industriels font désormais figure de cibles de choix pour les aménageurs, d’autant plus qu’ils ont su au cours des dernières années monter en compétence en matière de dépollution. Ainsi, à Hérouville-Saint Clair dans l’agglomération de Caen, une friche industrielle s’apprête à s’effacer pour laisser place à un écoquartier mettant l’accent sur le rapport entre l’habitat et son cadre naturel, le canal de l’Orne. À Saint-Priest, en région lyonnaise, c’est un autre site industriel qui a su muter en un nouveau quartier mêlant activités et logement et ce tout en préservant la biodiversité locale. Un savoir-faire sur lequel les acteurs de la filière sont appelés à capitaliser dans la mesure où, après les friches industrielles, les entrées de ville sont à leur tour appelées à de profondes transformations au cours des années à venir.

Faire la ville sur la ville, cette tendance se prolonge dans ce qu’il est désormais convenu d’appeler le recyclage urbain, une transformation du bâti qui s’appuie sur l’existant pour en conserver le maximum. À Sainte-Adresse, près du Havre, l’ancienne École de la Marine marchande, désaffectée depuis 2015 s’apprête à changer de cap pour accueillir, après réhabilitation, un total de 280 logements au cœur d’un parc paysager ouvert au public.

Le futur village des athlètes des JO de Paris 2024.

Le futur village des athlètes des Jeux de Paris, à Saint-Ouen.

Dans cette nouvelle manière de fabriquer la ville, l’horizon est bien celui du temps long avec des bâtiments appeler à s’adapter de manière aussi fluide que possible à une évolution des usages. Démonstrateur grandeur nature de l’excellence urbaine à la française lors des prochains Jeux de Paris, le Village des Athlètes constitue sur ce plan un véritable catalyseur d’innovations. Grâce au procédé du permis double-état, les bâtiments du Village ont, dès la genèse du projet, été pensés et conçus pour deux usages successifs. Après une première livraison en vue des Jeux, ils seront retravaillés et livrés une seconde fois afin, cette fois, de devenir un nouveau quartier d’habitation de Saint-Ouen.

Dans ces évolutions, l’innovation joue donc un rôle décisif, que ce soit à l’échelle de la ville, du quartier ou même de chaque bâtiment. Par l’évolution des procédés constructifs, par le recours à de nouveaux matériaux, chaque immeuble pourrait, demain, prendre sa part de la transition énergétique. Dans le quartier de Lyon Confluence, un nouvel immeuble, baptisé Essentiel, sera livré prochainement avec la spécificité de fonctionner sans chauffage ni climatisation, tout en proposant à ses habitants une température constamment comprise entre 22 et 26 degrés. Une prouesse qui pourrait bien devenir le futur standard du secteur de la construction.

De nouvelles solutions en procédés innovants, les réponses à la difficile équation posée aux maires élus en 2020 existent et prennent chaque jour de l’épaisseur. Il importe à présent qu’elles essaiment autour d’elles sous peine de voir la France s’enfoncer durablement dans sa crise du logement.

Envies de ville : des solutions pour nos territoires

Envies de ville, plateforme de solutions pour nos territoires, propose aux collectivités et à tous les acteurs de la ville des réponses concrètes et inspirantes, à la fois durables, responsables et à l’écoute de l’ensemble des citoyens. Chaque semaine, Envies de ville donne la parole à des experts, rencontre des élus et décideurs du territoire autour des enjeux clés liés à l’aménagement et à l’avenir de la ville, afin d’offrir des solutions à tous ceux qui “font” l’espace urbain : décideurs politiques, urbanistes, étudiant, citoyens…

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